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Une action à élucider
Les troubles bipolaires se traduisent par une vie rythmée d'épisodes de dépression entrecoupés de phases maniaques, c'est-à-dire d'états de grande excitation pathologique. Sur le long terme, on observe une perte de la matière grise chez les bipolaires. Cette atrophie cellulaire a lieu en particulier dans le cortex frontal, une région du cerveau très impliquée dans la régulation des émotions. Depuis 70 ans, les sels de lithium sont utilisés pour soigner la bipolarité, et aujourd'hui encore, c'est le traitement le plus efficace. Mais, si l'action stabilisatrice de l'humeur de la molécule est connue, il reste encore des zones d'ombre quant à son mécanisme d'action.
Une technique sur mesure
Plusieures études sur des animaux ont déjà montré que le lithium empêche la perte de matière grise dans le cortex frontal, mais aucune n'a pu prouver l'action de la molécule au niveau microscopique. Récemment, une équipe de chercheurs du CEA et de l'institut Frédéric Joliot a éclairci le rôle protecteur de cet élément « miracle ». C'est avec la technique de l'IRM de diffusion, qui consiste à étudier comment les molécules d'eau se déplacent dans le cerveau, que les chercheurs ont put observer l'action du lithium à l'échelle microscopique. Cette technique permet d’appréhender les différents tissus du cerveau (structure, orientation) et donc le développement de la matière grise. « L'IRM de diffusion, qui a récemment gagné en précision, a apporté une véritable révolution pour la psychiatrie moderne, nous pouvons enfin observer le cerveau des patients en temps réel et ainsi être sûr que ce que nous observons est lié à la maladie » explique Josselin Houenou, médecin psychiatre responsable de l'équipe de recherche Neurospin. « Les études post-mortem ayant lieu longtemps après que la maladie du patient s'est déclarée, elles ne permettent pas de savoir si ce que nous observons est dû à la maladie ou à l'alcoolisme ou à la vieillesse, etc. » , poursuit-il.
Des résultats prometteurs
Le cerveau de sujets sains, de patients sous lithium et de malades ne suivant pas de traitement, ont donc été observés avec cette technique. Les résultats indiquent que le lithium a une action régénératrice et protectrice sur les dendrites (partie des neurones qui composent la matière grise) ! L'équipe française est la première à présenter ces résultats chez l'homme et à l’échelle microscopique. L'efficacité du traitement au lithium est telle que les sujets sous médicament présentent une densité de matière grise identique à celle des sujets sains dans le cortex frontal. « Nous ne sommes pas encore capables de déterminer en combien de temps la matière grise récupère, et si l'augmentation que nous observons correspond à un accroissement des dendrites ou du nombre de neurones » ajoute le docteur Houenou. « à l'avenir, il faudrait effectuer des études sur des modèles animaux pour répondre à cette question » conclut-il.
De manière globale, ces résultats signifient que la communication entre les neurones, et de fait la plasticité du cerveau, s'améliorent sous traitement. Ces améliorations pourraient sous-tendre les effets thérapeutiques du lithium dans les troubles bipolaires. Si ces résultats doivent encore être reproduits, ils ouvrent néanmoins des perspectives très intéressantes, en particulier pour d'autres pathologies neurologiques telles les maladies neurodégénératives. Pour cela, des études plus poussées seront nécessaires. "La prochaine étape consiste à mesurer la progression de la régénération de la matière grise dans une étude longitudinale" annonce Mr Josselin Houenou.